Dans son numéro 500 la revue abordait la question de la responsabilité des parents dans l’éducation à la consommation de leurs enfants, et pointait en particulier l’enjeu d’une prise de conscience nécessaire au sein de la cellule familiale, d’apprendre à consommer au quotidien, c’est-à-dire d’acquérir des savoir faire d’être humain consommateur averti et critique.
Cet enjeu éducatif revêt une actualité toute particulière, quand les pouvoirs politiques font de la relance de la consommation un facteur de cohésion sociale. Ce sont avant tout des réflexes de citoyens-consommateurs qu’il s’agit d’acquérir comme celui de résister au quotidien à la tyrannie des marques et aux agressions de la publicité.
Apprendre aux enfants et aux jeunes à consommer signifie de la part des éducateurs, et d’abord des parents, inscrire leurs enfants dans des choix de modes de vie qui s’avèrent être des choix de société, qu’ils soient ceux de l’économie de marché ou de l’altermondialisme dont les adultes eux-mêmes n’ont pas toujours conscience, où auxquels ils n’ont pas vraiment consentis. L’éducation aux médias doit prendre en compte cette dimension de la consommation.
Et dans un pays riche comme le notre, dont la politique économique normalise une débauche de marchandises, d’objets, et de luxe, avec un appauvrissement croissant d’une partie importante de la population privée de l’usage du droit d’accès à la consommation, les différents modes de vie quotidienne des familles révèlent des aspirations au bonheur de plus en plus dépendantes de la seule marchandisation des rapports sociaux.
Ainsi il est sans doute tout aussi difficile pour une famille au Rmi, survivant grâce aux réseaux d’action sociale et de solidarité alimentaire de prendre conscience que l’Avoir ne fait pas le bien-être quand la priorité est de pouvoir s’alimenter, d’ user et jouir de biens, d’objets et de services pour se développer, étudier et se distraire, pour vivre tout simplement ou du moins survivre ; qu’il est illusoire, pour une famille disposant de pouvoir d’achat, de prendre conscience que l’image de réussite qu’elle secrète et poursuit d’elle-même se résume plus à l’ accumulation d’objets et d’avoirs qu’à la richesse des situations et relations humaines vécues.
Cet enjeu d’une action éducative quotidienne s’inscrit donc aujourd’hui à contre courant non seulement des valeurs de l’idéologie libérale de la toute puissance de la marchandise sur l’humain, mais aussi des thèses économiques qui soutiennent que de la croissance et de la consommation dépendent l’avenir de l’humanité.
Christian Gautellier, Bertrand Chavaroche