Les questions de violence en milieu scolaire sont depuis plusieurs mois portées à la connaissance de tous par une forte médiatisation. Si ces manifestations ne sont pas nouvelles, elles prennent actuellement des formes différentes et diversifiées selon les lieux et les publics. Il ne s’agit ni de les banaliser, ni de les généraliser à l’ensemble de l’institution scolaire. Pour autant, elles n’en interrogent pas moins l’ensemble
des acteurs du système éducatif.
Le sociologue François Dubet, distingue trois logiques dans ces manifestations de violence. Les violences scolaires extérieures à l’école qui ne sont pas de nature scolaire car elles ne sont pas engendrées par la situation scolaire elle-même. Elles tiennent essentiellement à des conduites non scolaires dans les murs de l’école.
Ce sont toutes des manifestations délinquantes dont les élèves et les enseignants sont victimes ou coupables comme dans n’importe quelle situation : vol, racket, trafic illicite, toxicomanie. La violence scolaire tournée contre l’école qui découle de l’expérience des élèves ne relève pas de la délinquance et vise les enseignants et les personnels de l’administration, parfois directement, parfois par l’intermédiaire des parents et des grands frères. Viennent enfin les conduites culturelles a-scolaires que sont les bagarres, les chapardages, les insultes, les refus des règles, du contrôle social scolaire. Elles expriment des résistances à l’école, comme dans toute institution normative et témoignent de la distance culturelle qui sépare le milieu d’origine des élèves et les normes scolaires.
L’institution scolaire comme toute institution est un lieu de conflit et le conflit participe de la construction de l’individu, de la construction de la relation, mais si ces conflits sont niés, tus non parlés, ils peuvent basculer dans la violence. Les causes de ses conduites sont multiples :
la massification rapide de l’école, parfois mal adaptée aux publics qu’elle reçoit ;
la formation des enseignants, trop centrée sur la didactique des savoirs ;
l’exclusion sociale, produisant de la violence dans et hors de l’école ;
l’échec scolaire des élèves ;
la dérégulation des relations pédagogiques et le désarroi des enseignants face à leur devenir ;
la distance culturelle et sociale qui sépare enseignants et élèves dans certains établissements.
Quelle approche proposent les Ceméa pour contribuer à prevenir, et arrêter ces manifestations de violence ? Les solutions ne peuvent être déterminées que s’il y a interaction entre l’école et son environnement, que si l’on trouve des passerelles tant au niveau des acteurs que des structures. Si l’école doit se protéger, elle ne doit pas pour autant se fermer ou s’isoler. Elle doit s’ouvrir sur les élèves et sur les familles tels qu’ils sont. Une véritable coopération entre personnels des établissements scolaires, les services sociaux, les services de justice, de police sont tout autant nécessaires.
Plusieurs actions sont à mettre en œuvre :
agir sur le cadre de l’établissement, les conditions d’acceuil, de sécurité
modifier les pratiques pédagogiques et permettre à tous les élèves, - enfants et jeunes - , d’exercer réellement leur citoyenneté dans tous les moments de la journée.
Ouvrir des espaces de paroles, tant pour les élèves que pour les adultes afin que soient parlées les difficultés, les peurs, les conflits.
Repréciser pour tous le sens de l’école.
Enseigner est aujourd’hui un métier profondément transformé ; il est sans doute différent en milieu urbain et en milieu rural, dans une zone protégée et dans une zone sensible. Cela doit conduire à des modifications dans la formation initiale et continue des enseignants et des autres personnels de l’Éducation Nationale.
Les Ceméa, mouvement d’Éducation Nouvelle, association complémentaire de l’enseignement public, mènent depuis plusieurs années des travaux sur ce sujet, dont un récent colloque national sur l’ecole dans la cité fin 1996.
Ce dossier réalisé par un groupe de praticiens de l’école, de collège, de lycée, tous membres des Ceméa, comprend des apports de chercheurs, d’universitaires des analyses et des propositions à l’adresse de tous les professionnels de l’éducation.
Jean-Pierre Picard, responsable du Département Politiques Éducatives des Ceméa.