Texte court et documenté dans lequel Bastien Cazals, instituteur, révèle la situation de l’Ecole publique aujourd’hui et les raisons qui l’ont conduit à désobéir.
Il nous dit comment l’ « appel des résistants aux jeunes générations » lancé le 8 mars 2004 par Stéphane Hessel, Lucie et Raymond Aubrac, a été pour lui un déclic.
Dans une lettre adressée au président de la République le 25 novembre 2008-lettre restée sans réponse, excepté les sanctions financières qui ont suivi- il expose son opposition citoyenne et non violente aux réformes actuelles de l’éducation nationale qu’il juge avec gravité.
Considérant que « pour apprendre, un élève doit avoir confiance en lui, en son maître, en l’école, l’auteur dresse l’état des mesures qui se succèdent et qui, à son avis, mettent l’école à genoux.
Il met en accusation les effets de la »la révision générale des politiques publiques( RGPP ) ; la nouvelle organisation de la semaine scolaire ; l’aide personnalisée ; l’extinction des RAZED ; la suppression des IUFM ; l’agence nationale du remplacement( des enseignants absents) ; l’école maternelle « sacrifiée » dit-il ; la création d’établissements publics d’enseignement primaire( EPEP ) qui vise au regroupement de plusieurs écoles, avec un CA et de l’autonomie, modèle entreprenarial inédit dans l’éducation.
Son argumentaire veut souligner les sens idéologique de ces cascades de réformes et y ajouter les restrictions financières publiques pour les associations éducatives complémentaires de l’enseignement public ainsi que la fermeture de l’institut national de l’éducation populaire( INJEP) à Marly le Roi.
Les nouveaux programmes 2008, imposés sans concertation précise t-il font l’impasse, pour l’élève, sur la construction de l’estime de soi et sur le sens des apprentissages. Le résultat final se détourne du cheminement intellectuel et la pratique pédagogique est fondée sur la transmission et la répétition, l’exigence et l’autoritarisme.
Enfin, des pages alertent sur la manie des fichiers nationaux, des bases nationales identifiant les élèves dès l’école maternelle.
« Que me reste-t-il à faire ? » lance t-il en conclusion. « en toute conscience : désobéir ! ».
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L’acte solitaire est ici, courageux face à l’arbitraire. Le choix moral, la décision personnelle peut laisser entendre que les mécanismes normaux du dialogue et de la contestation collective seraient bloqués.
Les « désobéisseurs » seraient autour de 3000( plus, si on y ajoute ceux qui dans les écoles opposent une résistance active-passive)expression tout de même d’une solidarité collective à fondement individualiste. Ils sont parfois accusés d’excentricité considérant que leur message politique serait dilué dans un face à face entre un individu seul et l’Institution souveraine( chacun adresse sa lettre de désobéissance à sa hiérarchie).
Alors ces cris seraient-ils sans lendemains ?
Nous savons d’expérience, que les rapports de force dans l’histoire sociale française se sont construits grâce à une imbrication entre désobéissance civile et action collective pour des visées communes transformatrices.
Agir pour que les enseignants ne soient pas transformés en agents exécuteurs mais mieux encore des serviteurs de l’intérêt général( source Aline Louangvannasy, professeure de philosophie) nécessite que l’argument moral se transforme en argument politique partagé.
A cette fin, l’individu isolé ne doit pas le rester pour aller vers des individus agissant de concert.
La démarche des désobéisseurs mérite considération .
Serge Guisset
*www.indigene-editions.fr