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Le monde bouge, des peuples se soulèvent. Des événements d’ampleur
pour la démocratie se multiplient sur notre planète. Ils mettent en jeu
des dimensions complexes et croisées, politiques, économiques, sociales,
historiques… Les « citoyens » attendent des médias, informations et
décryptages pour se faire une opinion sur le monde qui les entoure.
Cela a été plutôt raté avec la Tunisie, un peu moins concernant l’Egypte,
Bahreïn, la Lybie ou le Maroc, plus récemment. Depuis, la terre a tremblé
et le double cataclysme naturel et nucléaire survenu au Japon, avec
ses conséquences prévisibles mais difficilement maîtrisables aujourd’hui,
occupe aussi l’actualité des médias.
Revenons sur le début des événements en Tunisie : pas une info, dans
les journaux télévisés français, en dépit du travail de l’AFP et de quelques
articles. Il est vrai qu’à cette période, l’information, c’est la rudesse de
l’hiver et ses conséquences dans notre cher pays ! Les premières infos
arrivèrent près de quinze jours plus tard dans les JT… pour montrer
des manifestations, la répression massive… en s’appuyant, paradoxe,
sur des images prises par les Tunisiens eux-mêmes avec leurs smartphones
et diffusées sur internet. On parla d’abord d’émeutiers, de rebelles,
d’insurgés, puis de révolution, laissant planer le doute un certain temps,
sur la légitimité de ces événements. La Tunisie est un cas d’école sur
l’interprétation et la manipulation des faits.
Au-delà de la couverture des événements, comment permettre de
prendre conscience de la réalité de ces pays : pauvreté, chômage très
important, absence de liberté, corruption généralisée, presse interdite.
Comment casser les représentations forgées depuis des années sur
ces pays d’accueil touristique et dépasser les contradictions perçues ?
Comment comprendre les liens économiques, les enjeux stratégiques
avec la communauté internationale dont la France ? On trouve là les
défis d’une politique d’information qui par son travail d’investigation
et d’enquête, ses analyses permanentes, met à son agenda, pas seulement
au moment des crises, le traitement journalistique de l’international,
mais aussi de l’économie, du développement durable et solidaire…
S’ils l’avaient vraiment voulu les médias avaient accès à toutes ces informations
que l’on feint de découvrir aujourd’hui, par des sources variées :
ONG, intellectuels, responsables politiques, citoyens… Alors comment
tirer durablement les leçons du traitement de ces événements ? Dans
le contexte actuel, du péril nucléaire en cours, sans oublier tous les conflits
sociaux relégués à l’ordinaire, et le FN à 20% dans les sondages en France,
la défiance vis-à-vis des médias devient un véritable problème.
Les citoyens organisés ont la responsabilité de faire bouger les pratiques
journalistiques, d’exiger une information de qualité. En soutenant
des approches nouvelles et critiques, professionnelles ou militantes, mais
toujours porteuses d’éthique et de citoyenneté.
Bertrand Chavaroche
rédacteur en chef
Christian Gautellier
directeur de la publication