Cet article est un extrait de l’article de Gisèle de Failly dans la revue Vers l’Education Nouvelle N°551 - La Laîcité aujourd’hui
L’ article dans son intégralité dans notre rubrique "Texte de référence" : Origine et idées de base de l’Education nouvelle
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Respecter l’autre, c’est discuter au risque de créer le trouble chez lui
L’enfant éprouve, nous l’avons dit, le besoin d’être reconnu, ce qui n’était pas tellement
fréquent autrefois. On considérait un peu l’enfant comme un objet. L’adulte était celui qui a
tous les droits sur l’enfant. Le père décide du métier, envoie l’enfant en pension s’il l’estime
nécessaire ou « bon pour lui ». Aujourd’hui, les choses ne se passent pas ainsi. Les enfants
donnent leur avis sur ce qui les concerne, ils ont beaucoup plus de liberté. Reconnaître
l’enfant, le respecter est un des principes de l’Éducation nouvelle. Respecter ses besoins de
mouvement, qui sont ignorés dans l’école traditionnelle, ses besoins d’action, d’activités.
Respecter tous les enfants. Et là vient une idée extrêmement importante, c’est l’acceptation
de tous les enfants. On est porté, quand on a des enfants qui « réussissent » bien, ou qui sont
particulièrement gentils, faciles, agréables, à s’intéresser davantage à eux, or il y a pour
l’éducateur une question d’égalité dans son attitude qui est très difficile et je crois que c’est
un des aspects de la laïcité qui dépasse le sens qu’on lui donne habituellement.
À partir de là, on peut se demander si le respect que nous devons aux enfants doit être passif
ou interventionniste, c’est-à-dire si nous devons respecter à tout prix les opinions qu’ils
véhiculent (malgré eux) ou bien si, dans le cas où nous estimons que ces opinions sont fausses
ou dangereuses, nous pouvons intervenir – je pense à des enfants Nord- Africains qui ont
certaines idées sociales avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord, comme l’idée de la
femme qui est tout à fait différente de celle qui est en progrès chez nous. Est-ce que devant
des enfants, sous prétexte de les respecter, on ne peut aborder de tels sujets, ou bien est-ce les
respecter que de les discuter pour essayer de leur faire comprendre, au risque de créer le
trouble peut être chez eux, peut-être dans leur famille, peut-être d’être mal compris... Voilà
une situation qui est très difficile à tenir ; on ne peut pas donner de règles, de conseils, c’est un
problème qu’il faut qu’on se pose, et qu’on se pose aussi dans les stages. Jusqu’à quel point
respectons-nous nos stagiaires et jusqu’à quel point avons-nous le droit d’aller contre leurs
idées pour défendre les nôtres ? On peut défendre certaines idées de toute manière parce
qu’elles sont vraiment universelles, d’autres peuvent être plus spécifiques, il faut alors se poser
des questions ; notre attitude doit tenir compte des problèmes que l’on va susciter et que l’on
va avoir à régler ou à laisser sans solution. Naturellement, quand on dit respect de l’enfant,
respect du stagiaire, on pense respect de l’homme en général et souvent une question aussi
est posée, de savoir si nous devons accorder le même respect à des hommes dont les opinions
ou les actions sont méprisables. Devons-nous respecter l’homme qui est en eux et qui, à un
moment, a accompli un acte à notre avis grave ? Ce respect dû aux enfants (comme aux
stagiaires dans les stages) est d’autant plus important que nous avons des stagiaires ou des
enfants de toutes origines et ce brassage qui nous semble si riche et socialement si important,
n’est pas sans poser beaucoup de problèmes à la conscience de l’éducateur.