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Comme l’a dit Yannick Moreau dans l’introduction
au débat, il était important que
chercheurs et praticiens se rencontrent
pour échanger sur ce thème, et profiter des
expériences de chacun pour élaborer une
stratégie pour le travail social. Et faire
avancer les connaissances sur les évolutions
sociétales au-delà des préjugés qui continuent
à persister sur des modèles… aujourd’hui
dépassés.
Et je me souvenais de mes débuts auprès
d’Henri Wallon, psychologue connu, professeur
au Collège de France, quand il me
confortait dans ma profession, préconisant
une collaboration étroite entre chercheur et
praticien, et accueillant avec intérêt les résultats
des observations que me permettait ma
pratique. À l’époque, elles enrichissaient la
psychologie qui était sa spécialité. Plus tard,
elles ont aussi enrichi d’autres disciplines des
sciences humaines. Mais, parce qu’il existe
aujourd’hui au CNAM une chaire de travail
social, elles devraient également servir cette chaire, qui pourrait ainsi diffuser les
problématiques du travail social sur une plus
grande échelle, et avec une autorité plus
reconnue.
Encore faudrait-il qu’une méthodologie
soit apportée aux professionnels, dans leur
formation, d’une manière qui pourrait
peut-être donner plus d’importance et de
relief aux mémoires demandés. Les centres
de formation pourraient alors avoir une
fonction de laboratoire, collaborant aux
recherches ou même les suscitant.
En allant plus loin, on pourrait envisager que
les institutions sociales et médicosociales
soient aussi des laboratoires. Une analyse
des pratiques bien conduite peut fournir de
précieuses informations, qu’un chercheur
associé peut contribuer à traduire, pour enrichir
les connaissances utiles. Nous associons
ainsi aux recherches non seulement les
divers professionnels, mais encore les usagers
des institutions, ce qui rendrait de plus
en plus légitimes les savoirs liés au travail
social.
Il suffirait d’une volonté politique qui permette
de dégager du temps pour cette démarche,
et d’une mobilisation institutionnelle capable
de redynamiser ces professionnels qui sont
parfois usés par la routine, pour qu’un tel
projet puisse se réaliser.
Cela se fait parfois, dans certains cas, et je
pense avoir vécu une expérience proche.
Mais au lieu de travailler à côté des chercheurs et les chercheurs à côté des praticiens, nous
en viendrions à travailler les uns avec les
autres. Et cela fortifierait la valeur de notre
travail bien plus que ces évaluations officielles
que l’administration nous impose.
Il est parfois de bon ton actuellement de laisser
se dénigrer le travail social, dont les résultats
(au sens où l’entendent les pouvoirs
publics) laisseraient à désirer. Certains
disent que nous passons notre temps à
cultiver nos mythes. Certes, nous ne devons
pas nous prendre trop au sérieux, mais si un
certain humour peut entourer nos pratiques,
ne le laissons pas se transformer en dérision.
Je lis dans un ouvrage de Michel Lebonnois,
qui fut éducateur puis directeur d’une
maison d’enfants avant, retraité, de devenir
l’animateur de Cahiers du Cotentin :
« On mesure en quelques mots : conscience,
droits, devoirs, respect, structures, normes,
modèle, être libre, l’extrême complexité du
travail éducatif, dont il est évident pour tous
ceux qui le pratiquent qu’il ne consiste pas
seulement à servir la soupe et donner un lit.
C’est en parlant de la pratique quotidienne
que nous allons, petit à petit, lui
donner cohérence [1] »
C’est cette cohérence que la collaboration
des praticiens et des chercheurs va apporter,
permettant de dépasser les images que
certains se font de nos professions. Au
moment où l’on parle de refonder le travail
social, où à travers les états généraux on
tente de le faire, une telle réflexion peut y
contribuer.
JACQUES LADSOUS
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[1] M. Lebonnois, Sème, semeur, Cherbourg, Les
Cahiers du Cotentin, 2004.