Depuis plusieurs années, l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille,
qui regroupe des juges des enfants, des magistrats du parquet, des avocats et des
professionnels de l’enfance, propose une nouvelle approche de la justice des
mineurs autour
du parcours du jeune, rompant avec la logique actuelle d’empilement des dossiers.
Le Président de la République l’a annoncée depuis le mois de janvier 2013, lors de son
discours à l’audience de rentrée de la Cour de Cassation
: une nouvell
e loi est en préparation,
qui «
clarifiera et simplifiera l’ordonnance de 1945
», qui «
réaffirmera la nécessaire
spécialisation de la justice des mineurs, consolidera le rôle du juge des enfants et supprimera
le tribunal correctionnel pour mineurs
».
Ce
projet de réforme existe, l’AFMJF et le secteur associatif ont été consultés à plusieurs
reprises à son sujet. Il est une pierre angulaire de l’évolution nécessaire de la justice des
mineurs. Les attentes des professionnels, notamment des juges des enfant
s, sont grandes.
Les juges ont besoin de pouvoir disposer d’une procédure efficace, compréhensible pour les
mineurs et leurs familles. Depuis une
décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011, le
juge des enfants qui a mené l’instruction préparatoire ne pouvait plus participer au jugement.
Le projet de réforme supprime cette instruction préalable sur les faits et remet au centre du
dispositif le juge qui connaît le mineur et sanctionnera ’ensemble des faits commis. Le projet
prévoit également la s
uppression du tribunal correctionnel des mineurs, puissant
désorganisateur des tribunaux pour enfants qui a démontré son inefficacité en rallongeant les
délais de jugement pour des décisions guère différentes de celles qui auraient été prises
auparavant.
De leur côté, les éducateurs ont besoin, pour travailler mieux, de mesures éducatives
modulables adaptables au parcours du jeune, à ses réussites et à ses échecs. La sortie de
délinquance n’est pas un processus linéaire. Elle suppose des réponses individua
lisées qui
puissent évoluer dans le temps. En l’état actuel du droit, cette adaptation est souvent
impossible à mettre en œuvre une fois le jugement rendu.
La réforme prévoit une mesure
unique personnalisée qui sera organisée autour du jeune et pourra touj
ours être révisée et
adaptée.
La société réclame une justice plus efficace et plus réactive. La réforme prévoit un jugement
des faits dans un délai de deux mois, les interdits seront rappelés rapidement, les parents
seront associés et leur responsabilité
établie.
Les victimes attendent une reconnaissance plus rapide. La réforme leur réserve un sort bien
meilleur en leur permettant de faire valoir leurs droits sans attendre alors qu’actuellement, les
victimes peuvent attendre des mois, voire des années, a
vant de pouvoir obtenir réparation du
préjudice subi.
Pour autant, le projet de réforme ne sacrifie pas la prise en charge du jeune sur l’autel de
l’efficacité
: une fois le jugement sur les faits prononcé s’ouvre une deuxième phase, la
césure. Il s’agit d
’un temps d’évaluation de la situation du jeune et de sa personnalité, sans
lequel il ne peut y avoir de prise en charge globale. C’est également le temps pour
l’adolescent de faire ses preuves et de montrer qu’il peut s’amender. A l’issue de cette période
de six mois à un an, viendra le temps du jugement et de la sanction qui pourra être une mesure
éducative, une peine ou le cumul des deux, en fonction des faits commis et du parcours du
jeune.
La justice des mineurs et la prise en charge des jeunes délinquants suscitent trop souvent des
querelles partisanes, le travail des juges des enfants, des éducateurs de la protection judiciaire
de la jeunesse et des associations habilitées étant méconnu
: le public ne connaît que les actes,
pas les jeunes, qui sont g
énéralement des adolescents en danger ou des enfants qui ont été mal
protégés et manifestent leurs difficultés au détriment d’autrui.
Les professionnels de la justice des mineurs exercent une mission difficile. Ils sont parfois
confrontés à des échecs mai
s sont également acteurs de grandes réussites et promoteurs
d’innovations. C’est en faisant connaître leur travail
que l’on pourra susciter de la part de
tous, y compris la société civile, le désir d’aider les jeunes en situation de délinquance et de
concourir à leur éducation.
Marie
Pierre Hourcade
Magistrate
Présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille