Dossier VEN n° 593: Etre parent en 2024

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Qu’est-ce qu’être un bon parent ? D'où vient cette anxiété parentale et comment redonner aux parents confiance dans leurs compétences ? Le dossier du VEN 593 apporte des éléments de compréhension à ces questions.

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Les réseaux sociaux, la télé et la presse magazine se jouent de cette angoisse qui enfle et qu’alimente un marché du coaching florissant. Si tout parent se rêve en parent idéal, cet amour « narcissique » défini par Freud était auparavant limité par une contrainte sociale forte qui ne laissait guère de possibilité pour inventer sa façon à soi d’être parent. Le parent d’aujourd’hui, en voulant « faire les bons choix », se questionne et est anxieux. Pour les nouveaux coachs en parentalité, ces inquiétudes, contrepartie à la liberté individuelle récemment conquise, sont un terrain propice à un marché qui fait miroiter aux parents l’existence d’une parentalité parfaite, faite de recettes aussi diverses que contradictoires. Et qui le privent de ses propres compétences.

Comment redonner confiance aux parents ?

C’est à ces parents-là que les co-éducateurs et co-éducatrices d’aujourd’hui ont affaire. À l’école, en centre de loisirs, en colo, dans les lieux d’accueil enfants-parents, comment leur redonner confiance dans leurs capacités ? « La co-éducation suppose, dans l’intérêt des enfants, que les adultes soient respectueux les uns et des autres et si possible fassent alliance », explique dans ce dossier le psychologue clinicien Daniel Coum. Pour le psychologue, assistantes maternelles, animatrices et animateurs ou personnels de l’enseignement ne sont pas là « par défaut, pour pallier un déficit parental » mais bien pour prendre la place qu’il leur revient d’occuper auprès de l’enfant, avec les parents. « Nous n’intervenons pas en remplacement ou en suppléance, mais parce qu’il y a nécessité d’un partage de l’enfant, au sein d’un réseau social qui prend en charge la responsabilité de l’enfant. » L’éducation, quand elle se conjugue au pluriel, permet à l’enfant de se construire, de tisser des liens avec une diversité d’adultes, de s’éloigner de son port d’attache mais aussi à l’adulte de devenir parent.

On ne naît pas parent, on le devient

Se séparer, toute une affaire ! À la crèche, à l’école maternelle, au pied du car qui conduit vers le centre de vacances, les larmes coulent parfois sur les joues des enfants et des parents. Ex-ducere, c’est « conduire hors de », c’est sortir de sa zone de confort, mais c’est aussi nourrir l’élan d’ouverture au monde, sur l’ailleurs. « Aucun parent n’accepte facilement cette séparation mais le surinvestissement actuel de l’enfant rend encore plus difficile cette séparation », ajoute Daniel Coum. Parmi les facteurs qui expliquent cette mutation, la possibilité de choisir si et quand on devient parent, conquise avec la mise sur le marché de la pilule contraceptive en 1967 : « l’enfant devient alors l’objet d’un investissement inégalé, favorisant une relation fusionnelle », explique le sociologue Gérard Neyrand. À quoi il faut ajouter le nombre de divorces qui font de l’enfant le centre de la famille. Alors qu’auparavant c’était l’institution du mariage qui faisait famille, c’est aujourd’hui l’enfant qui fait famille. Au point que les politiques familiales, depuis les années 90, ont placé les questions de parentalité au cœur de leurs dispositifs. Comme si la parentalité était devenue problématique et n’allait plus de soi. « Cette difficulté à être parent a été reconnue officiellement en 1998 quand la Délégation interministérielle de la famille a travaillé sur les dispositifs d’appui à la parentalité », rappelle Daniel Coum (p42). On reconnaît alors pour la première fois qu’il est difficile d’être parent.

À quels besoins répondent alors les dispositifs de soutien à la parentalité qui se déploient sur le territoire depuis une vingtaine d’années ? Qu’est-ce qui fait le parent d’aujourd’hui, sa particularité ?

Autant de questions auxquelles, les articles du dernier dossier VEN - ainsi que de nombreux autres à retrouver sur Yakamedia.fr soulignent le désarroi, la montée des incertitudes parentales, mais aussi cette chance de pouvoir inventer sa façon à soi d’être parent et de trouver ses propres ressources. A condition toutefois de sortir de l’isolement. Accueillir, écouter, favoriser le dialogue entre parents, c’est ce qui s’élabore dans les lieux d’accueil parents-enfants (voir p36) et les cafés des parents (voir aussi le dossier sur yakamedia.fr). Accompagnantes et accompagnants y favorisent l’expression des parents et leur entraide, leur permettant d’inventer « des solutions ensemble, de parler de ce qui les rapproche, de leurs expériences communes, de partager leurs vécus et d’apprendre les uns des autres». Les petits gestes, les attentions anodines, le soin porté aux temps de transition par celles et ceux qui les accueillent y prennent une part importante, participant à l’ouverture au monde de l’enfant mais les soutenant aussi dans leur acceptation puis leur désir de faire avec d’autres. Mais pour cela, encore faut-il consentir à sortir du jugement pour faire avec les richesses et les manques des parents comme les siens propres.