Non au traitement discriminatoire porté par le projet de loi immigration

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Le collectif Cause Majeur ! dont les Ceméa sont membres, a adressé un courrier aux membres de la commission mixte paritaire qui doit se prononcer ce lundi 18 décembre sur le projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ».
Il demande aux parlementaires de plaider pour le retrait immédiat et sans conditions d'articles  introduisant une discrimination inédite dans la prise en charge et l’intégration des jeunes majeur·e·s issu·e·s de la protection de l'enfance et qui précarisera durablement les ancien·ne·s mineur·e·s non-accompagné·e·s.

Projet de loi immigration : le collectif Cause Majeur ! alerte sur un traitement discriminatoire des mineur·e·s issu·e·s de la protection de l’enfance

Les mineur·e·s non-accompagné·e·s sont avant tout des enfants à protéger

Le collectif Cause Majeur! rappelle que la prise en charge des mineur·e·s isolé·e·s relève du champ de la protection de l’enfance et ne doit pas apparaître dans un texte “pour contrôler l’immigration et améliorer  l’intégration”. A ce titre, il rejettes avec la plus grande fermeté l’ensemble des articles qui les concernent directement ou indirectement.
En particulier, il condamne l’article 12 bis1 qui vise à retirer aux jeunes majeur·e·s « ex-MNA », le droit de bénéficier d’un accompagnement jeune majeur·e en cas d’Obligation à Quitter le Territoire Français (OQTF). Il s’agit ici d’une remise en cause de la loi « Taquet » du 7 février 2022 qui impose aux départements de proposer un accompagnement aux jeunes majeur·e·s âgé·e·s de 18 à 21 ans. Il s'oppose également à l’article 7 ter qui vise à restreindre le droit au séjour pour les ancien·ne·s enfants placé·e·s. En effet, la disposition vient limiter les critères d’obtention d’un titre de séjour “vie privée et familiale”, qui est un titre de séjour de plein droit pour les jeunes pris·e·s en charge par l’ASE avant leurs 16 ans. Le ou la jeune devrait désormais, à sa majorité, prouver l’absence avérée de liens avec sa famille dans son pays d’origine. Cet article qui fait reposer la charge de la preuve sur l’enfant est contraire à la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) ratifiée par la France en 1990

Il est inenvisageable de traiter les enfants étranger·e·s de façon discriminatoire

Les articles précédemment cités créent un double système de protection de l’enfance : un pour les enfants français·e·s et un pour les enfants étranger·e·s. Il s’agit d’une grave discrimination au regard du droit introduisant de facto une préférence nationale dans la protection sociale. De même, l’article 11 ter entend créer un fichier mémorisant les empreintes digitales et les photographies de MNA délinquant·e·s ou supposément délinquant·e·s. Il s’agit ici d’un autre traitement différencié et discriminatoire pour les enfants étranger·e·s protégé·e·s et qui entraînera des difficultés supplémentaires de régularisation à la majorité.

Le collectif Cause Majeur ! appelle au contraire à une prise en charge universelle de tou·te·s les jeunes majeur·e·s issus de la protection de l’enfance. Notre collectif pense que tout·e enfant et jeune en situation de vulnérabilité doit se voir proposer une prise en charge individualisée dans un projet d’accompagnement vers l’âge adulte. Et ce, jusqu’à l’inclusion pleine, entière et sécurisée du jeune dans la société.

Pour permettre l’intégration durable des jeunes majeur·e·s ex-MNA dans la société, il faut empêcher les dispositions législatives qui les précarisent ou limitent leur régularisation

En effet, le collectif relève, dans le texte voté au Sénat, de nombreux articles qui conduiront à une précarisation durable des jeunes majeur·e·s :
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La restriction d’accès aux prestations sociales (article 1er N) et notamment le droit au logement opposable ou à l’aide personnalisée au logement. Ces dispositions risquent d’accroître le mal logement et le sans-abrisme. Or, les jeunes majeur·e·s font d’ores-et-déjà face à de grandes difficultés pour s’insérer de façon sécurisée dans la vie adulte : pour rappel, 1 jeune sur 4, âgé·e de 18 à 24 ans et sans domicile fixe a été placé·e pendant son enfance.
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La restriction d’accès aux soins (article 1er I et article 19 bis B) via la suppression de l’AME et la rupture d’accès aux soins en cas d’OQTF. De plus, le collectif rappelle ici que ces dispositions entraîneront une hausse du taux de non-recours aux soins qui est contraire aux enjeux de santé publique.

De même, le collectif Cause Majeur! alerte sur la création de nouveaux freins à la régularisation qui empêcheront les jeunes majeur·e·s de s’intégrer pleinement dans la société :
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L’article 1er bis met fin à la possibilité de renouveler plus de 3 fois une carte de séjour temporaire. Cette disposition pourrait directement viser des jeunes anciennement placé·e·s à l’aide sociale à l’enfance. Ils seraient donc exposé·e·s à une expulsion du territoire, alors même qu’ils sont étudiant·e·s ou en emploi durable.
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L’article 1er introduit la nécessité de justifier d’un niveau de langue suffisant pour accéder à une régularisation. Or, les MNA font face à de nombreux obstacles pour accéder à l’éducation. D’après l’UNICEF, ils perdent entre 6 mois et 3 ans de scolarité du fait des procédures administratives ou judiciaires ainsi que du manque de places dans les dispositifs d’évaluation et d’apprentissage du français2.

Chaque jeune majeur·e doit être accompagné vers son inclusion pleine, entière et sécurisée dans la société

Le collectif demande à ce qu’un titre de séjour de plein droit soit délivré à tou·ts les enfants pris·e·s en charge au titre de la protection de l’enfance. Et ce, quel que soit l’âge de prise en charge et sans une autre condition que d’avoir bénéficié d’une mesure de protection. Cause Majeur ! défend la création d’un projet global d’accompagnement vers l’âge adulte, s’appuyant sur un socle socio-éducatif avec :
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Un accompagnement des professionnel·ls ;
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La construction d’un parcours professionnel et d’une orientation scolaire choisis ;
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L’accès effectif à la santé et aux soins ;
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L’accès à un logement stable ;
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L’accès au droit et aux ressources ;
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L’accès à la culture et aux loisirs.

Le collectif Cause Majeur! plaide pour une universalité de la prise en charge des enfants. Chaque jeune majeur·e doit pouvoir construire un projet de vie en accord avec ses aspirations et être soutenu dans cette démarche

Présentation du collectif Cause Majeur !
Cause Majeur ! rassemble près de trente associations, collectifs et personnalités qualifiées (jeunes et professionnel·le·s) qui ont décidé de s’unir pour remettre les jeunes majeur·e·s sortant de la protection de l’enfance ou ayant été pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse au cœur des politiques  publiques.

Il milite plus largement pour une prise en compte globale des jeunes en situation de vulnérabilité et s’engage à s’assurer que leurs droits fondamentaux soient connus et respectés de manière identique sur l’ensemble du territoire national, y compris en Outre-Mer.

Cause Majeur ! plaide pour une inclusion pleine et entière de chaque jeune majeur dans la société et veille à la cohérence, à l’harmonisation et à l’efficacité des politiques publiques concernant tous les jeunes.