Les commentaires sur un récent rapport de l’Inserm ont suscité l’émoi dans la communauté éducative. Une motion sous le titre « pas de zéro de conduite » a été signée par nombre de professionnels, parents, citoyens, dans le champ de santé, de l’enfance, de l’éducation... Ceux-ci s’y « élèvent contre les risques de dérives des pratiques de soins, notamment psychiques, vers des fins normatives et de contrôle social ». Ils y « refusent la médicalisation ou la psychiatrisation de toute manifestation du mal-être social ». Ils s’y « engagent à préserver dans les pratiques professionnelles et sociales la pluralité des approches dans les domaines médical, psychologique, social, éducatif... vis-à-vis des difficultés des enfants en prenant en compte la singularité de chacun au sein de son environnement ». Enfin, ils en « appellent à un débat démocratique sur la prévention, la protection et les soins prodigués aux enfants, dans un esprit de clarté quant aux fonctions des divers acteurs du champs social (santé, éducation, justice) et quant aux interrelations entre ces acteurs ».
Ces analyses comme ces engagements sont ceux des Ceméa et de tous leurs militants. Une fois encore, nous sommes contraints à la critique de l’utilisation de l’expertise médicale quand celle-ci peut devenir otage de l’obsession sécuritaire. Pourtant, la lecture même du rapport semble nuancer et surtout préciser le point de vue et les résultats. Il est alors possible d’éviter toute confusion entre le trouble des conduites, qui est une notion médicale et la délinquance qui est une notion juridique. Si nous n’acceptons pas l’utilisation politique des résultats de ce rapport à des fins partisanes, nous ne saurions refuser ou invalider à priori le travail nécessaire des chercheurs.
Les Ceméa ont toujours nourri leurs propositions éducatives à partir de travaux scientifiques. Sans récuser la conception de l’enfance qui est celle de l’éducation nouvelle, le débat doit porter sur le comment éduquer les enfants et ce dès le plus jeune âge, dans une perspective de justice et d’égalité des droits, dans une société de consommation exacerbée et aux inégalités grandissantes.
Loin de toute récupération, la recherche scientifique doit être mobilisée, avec les moyens et la liberté qui sont les siens pour apporter un regard distancié et objectif dont nous avons besoin. Les parents sont à soutenir, plutôt qu’à stigmatiser. Les compétences des professionnels de l’éducation doivent être reconnues et soutenues par une formation tout au long de la vie. Nous pouvons aussi dans notre quotidien observer nos enfants pour y détecter avec confiance et vigilance ce qui est le fait de leurs apprentissages nécessaires. Agissons pour l’éducation dont le but ne peut être que l’émancipation progressive et responsable dans une société qui sait accueillir, voir grandir et offrir une place à tous.
Jacques Demeulier, directeur général des Ceméa