L’aménagement des espaces et des rythmes, les situations de la vie quotidienne et les partis-pris de fonctionnement favorisant la rencontre et la prise d’initiatives, les situations d’expériences collectives, notamment les spectacles vus ensemble, sont conçus pour créer les conditions d’un accueil de chacun, et d’un accompagnement à trouver une place dans le groupe. Cette ambiance est le terreau sur lequel l’équipe va actionner d’autres leviers pour activer l’immersion de chacune des personnes et du groupe dans ce contexte particulier qu’est le festival d’Avignon. Entre voir et regarder, entre assister et recevoir, il y a une bascule à opérer, de l’ordre de l’engagement individuel, entre passivité et activité. Les sollicitations à réactiver des souvenirs de sensations, d’impressions pendant le spectacle sont des premiers pas. En les nommant, en écoutant les expériences vécues par les autres, les jeunes identifient peu à peu que, face à un spectacle où des intrigues se nouent, des personnages se déchirent, des utopies se tissent, chacun d’entre eux est aussi le siège de ce qui se dénoue, se brise, se dilate...
Ce tâtonnement de récepteur se nourrit et nourrit des situations créatives. Les expériences de jeu, de recherche et de fabrication à partir des/avec les mots, les corps, les sons, les matières, les images... fournissent des occasions d’éprouver des rapports sensibles aux textes, aux personnages, aux situations, aux langages, aux formes... Ces expériences aident, c’est un pari, à densifier l’activité de spectateur et à renouveler le regard sur des spectacles qui continuent à exister à l’intérieur.
Au cours d’échanges, la nécessité de nommer soi-même ce qui est sensible, important, écouter les autres, notamment les artistes eux-mêmes, conduit à faire d’une impression vague une élaboration, et peu à peu à mieux se comprendre soi-même, peu à peu à entendre et accueillir la pensée des autres, et peu à peu à en faire un terrain de dialogue, c’est-à-dire une coopération pour penser ce qu’on n’arrivait pas à penser seul.
Ces sollicitations dans les intentions et les manières de les proposer sont des invitations à prendre part, et des soutiens à se relier aux autres. L’équipe travaille ainsi à ce que ces expériences de la relation à l’autre pour penser, pour agir ouvrent au goût de la rencontre, à la curiosité, et au désir de démultiplier ce type d’expériences.
Les plages de temps libérées deviennent des espaces de possibles où vient se poser la question de faire des choix. Cest en conscience de la multitude des conflits d’intérêts que l’équipe accompagne, à la fois plus à distance, et au plus près de chacun, à distinguer et à discerner dans la densité et le flux du festival. Si ce séjour peut être l’occasion de développer l’autonomie dans des choix, des actes, il ne serait pas équilibré s’il ne reposait pas sur l’exigence d’en faire un objet de dialogue avec les autres afin de réfléchir sur les phénomènes de collision, d’emballement entre contextes, enjeux personnels et enjeux collectifs. Faire cette expérience au festival d’Avignon est un démultiplicateur, par effet miroir, de la réflexion, sur ce qui fait culture, ce qui fait société. En effet, le spectacle vivant ne parle que de ça.
Benjamin Dubreuil
responsable de séjours

- VEN_553 extrait complet