Le vendredi 13 novembre dans la soirée, à Paris et en Île de France, dans des lieux plutôt populaires, dans les différents sens de ce mot, où la multiplicité est bien représentée, la mouvance, qui a choisi de se nommer et de se faire appeler « État Islamique » dans les médias, revendique d’être l’auteure des massacres qu’elle a décidé de perpétrer principalement contre la population la plus jeune vivant en France afin de tenter de porter atteinte à sa capacité de joie de vivre, à son intérêt pour différentes formes d’expressions de la culture, malgré les duretés du monde actuel que chacun a à connaître et à surmonter.
L’idée d’État invoquée ici est un gros mensonge. En 2015, en effet, l’idée d’État est constitutive de l’idée d’État de droit. L’idée d’État de droit est née d’une longue histoire et de successives évolutions humanisantes de l’être humain et des groupes qu’il forme avec d’autres, cette évolution est à déployer et à consolider et non à enrayer. Elle résulte du choix de la délibération collective pour traiter des problèmes nombreux que nous avons à comprendre et à résoudre ; or, la délibération collective de l’époque moderne reconnaît à chacun une égalité fondamentale de dignité et exige solidairement de chacun un renoncement à la violence brute. Du chemin vers cette égalité de dignité reste à parcourir.
Les jeunes gens qui sont utilisés pour perpétrer ces massacres ici et ailleurs montrent le peu d’importance que cette mouvance accorde à la vie, celle des gens qu’elle prend pour cible et celle des massacreurs envoyés à la mort ; pour les meneurs de cette mouvance, restant dissimulés derrière le paravent d’une religion qu’ils instrumentalisent, l’important est de détruire le plus grand nombre possible de gens et de terroriser les vivants, avec pour seul but celui de régner sur un cimetière et un parterre de cendres, à Paris ou à Beyrouth comme ailleurs. L’hostilité envers la vie est leur seul mobile.
Leur message est clair : soumettez- vous à la terreur immédiatement ou vous aurez plus de terreurs encore. Mensonge. Les armes de la terreur sont déjà en action. La volonté de détruire est là. Les kamikazes envoyés au front se préparent longuement. Ils sont payés. Ils se tiennent prêts. Les meneurs utilisent leur mal de vivre et leur besoin de tuer quelque chose en eux qui les empêche d’avoir accès au plaisir de la vie. Il n’y a donc ni sacrifice ni martyr.
Identifier les gens d’aujourd’hui à des « Croisés » du Moyen-Âge relève d’une activité strictement délirante et sans projet politique. Attention : les groupes humains se sont déjà montrés capables de laisser accéder au pouvoir les plus destructeurs de leurs membres. Le monde a beaucoup changé et l’avenir n’est, en aucun cas, dans un retour à un paradis perdu, purifiant et purifié, qui n’a jamais existé. Depuis toujours, le monde des gens est métissé.
Ces attaques surprises de petites bandes armées contre la population font penser à une nouvelle forme de pogrome ; elles doivent nous donner à penser à la façon dont un enfant se construit et peut devenir la proie, puis le bras armé de discours nihilistes au service de la destructivité pure, quelle que soit l’idéologie meurtrière empruntée à l’air du temps pour justifier le pire.
Travaillons, réfléchissons pour apprendre à grandir, à être parent et éducateur aujourd’hui, afin que nos enfants se reconnaissent en nous et nous en eux et que la continuité entre les générations puisse advenir.
Ces accès de violence meurtrière sont aussi l’expression d’une rage impuissante contre la progression continue de l’idée démocratique dans le monde entier, malgré les tendances à des dérives dictatoriales et totalitaires. Agissons, là où nous sommes pour renforcer l’idée et les pratiques de la démocratie.
André SIROTA
Président de l’association nationale des CEMÉA